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Sans un bruit
Film concept qui déjoue avec brio nos éventuelles craintes insignifiantes de cinéphile trop blasé, je parle bien sûr de « A Quiet Place » aka « Sans un bruit ». Second long métrage de John Krasinski, acteur aux vagues airs de Gerard Butler que vous avez vu dans plein de films dont celui de Michael Bay « 13 hours » injustement dénigré. Michael Bay produit « Sans un bruit » avec Emily Blunt. Aaah, le cinéma d’horreur pour les djeun’s avec plein de High Concept qui croient qu’ils font peur mais qui effrayent surtout les maternelles et pour ça y’a pas de pénurie de financement, c’est même le truc le plus rentable depuis des années et le segment chouchou des jeunes diplômés de l’école du commerce du coin, qui pensent qu’avec deux têtards et un concept qui tient sur une ligne, ils font forcement s’assurer dix fois leur mise. Un temps ce fut vrai mais comme pour tout, l’obsolescence programmée fait des victimes et les concepts qui s’en sortent et qui cartonnent sont rarement le fruit d’inconnu. Derrière ce que certains croient être des petits films, il y a souvent de grosses pointures et des budgets dignes de comédie quatre étoiles. Forcement dans cet océan d’opportunisme qui vise le portefeuille de l’ado, comme Kinder vise celui des mioches de trois ans, on se tape beaucoup de bouses. Alors quand un film sort du lot, il faut le saluer. Et je vais même dire qu’avec « Sans un bruit », c’est inespéré puisque le film réussi son coup tant en termes d’acting, de concept que de mise en scène. Le concept de « Sans un bruit », il est tout con, tu vois une famille avec des gosses, un mari et une femme qui ne font pas un bruit, tu te dis ok ils ont peur de quelque chose, et très rapidement tu comprends que c’est des créatures qui sont là, qui sont aveugles, mais qui par contre, si tu craques une allumette, elles arrivent à toute vitesse et en trois secondes et demie, tu es niqué, c’est tout ! Le mec il a un concept, il ne faut pas faire un bruit sinon tu meurs. Toutes les situations vont devoir jouer de cette problématique autour du silence. Attention, je ne parle pas d’originalité absolue, ni d’un contexte post-apocalypse à la mode, ni dans la thématique familiale abordée et ce qui aurait pu être des écueils voire des grosses ficelles du genre mal exploitées, s’apparente plutôt à une véritable maîtrise des codes d’autant plus surprenante que ce genre particulier n’était pas du tout la came de John Krasinski. La grande force de cette histoire simple qui tient entièrement sur l’obligation au silence réside dans l’adéquation et la consistance absolue entre les règles du contexte, les enjeux narratifs et la mise en scène qui servent tous le concept du film sans jamais chercher ni à le justifier outre mesure, ni le rationaliser. Krasinski impose une mythologie qui se suffit à elle-même qui créée une menace parfaitement corollaire à son concept, développe un excellent worldbuilding qu’il la soutient en permanence et exploite jusqu’à plus soif les situations attendues qu’elle convoque tout en radicalisant avec jouissance celles qu’on ne voyait pas venir. Et évidemment, en foutant des enfants, une femme enceinte, c’est hyper malin, tu te dis qu’il va arriver le moment où elle va accoucher… Mon Dieu ! Et l’air de rien la cohérence absolue de l’ensemble qui en fait un excellent survival sert la dimension allégorique d’un projet qui sonne comme un retour au cinéma pur et dur qui lui donne un langage visuel qui lui suffit à lui-même et dont la composition par le découpage définit la quintessence. Certes, j’aurais adoré qu’il pousse encore plus loin le concept assumant un silence total mais en y regardant de près les rares séquences dialoguées ont finalement du sens à l’aune de sa thématique familiale tout comme la musique de Beltrami nous rappelle qu’elle est une composante émotionnelle du septième art, qui n’a pas besoin de concept radicaux pour produire du sens. En cela « Sans un bruit » s’émancipe de son concept pour devenir simplement un vrai bon film, qui au-delà et à travers la condition artificielle qu’il s’impose doit toute sa réussite à l’intelligence de sa mise en scène. Allez le voir !